Contester un permis de construire : la réglementation se durcit !

Vous formez le beau projet de construire votre maison ou de l’agrandir mais vos relations avec le voisinage ne sont pas simples… et vous craignez qu’un voisin vienne contester votre permis de construire ? Depuis 2013, les conditions de recours se sont fortement durcies et, dans la future loi Logement, l’un des axes essentiels est même de lutter contre les recours abusifs contre les permis de construire. Cela dit, pour ne pas que votre permis de construire puisse être contesté, quelques règles et étapes indispensables sont à suivre !

C’est de notoriété publique : les logements manquent dans la plupart des agglomérations et les lois favorisent les constructions - de logements particuliers comme d’immeubles collectifs. En ce sens, l’ordonnance dite ordonnance Duflot du 18 juillet 2013 relative aux contentieux de l’urbanisme affichait clairement l’ambition d’enrayer les contestations contre les permis de construire. Quelle est la situation cinq ans après l’ordonnance Duflot ? Quelle est la position actuelle du législateur ? Mais aussi, qu’en est-il des démarches que les requérants doivent entreprendre pour contester un permis de construire et à quoi devez-vous vous attendre ?

Une évolution législative pour juguler les contestations fantaisistes​​​​

2013 :

L’ordonnance du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme a inséré dans le code de l’urbanisme l’article 600-1-2 concernant l’intérêt à agir.

Le texte dit : « Une personne autre que l’Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n’est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager que si la construction, l’aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d’une promesse de vente, de bail, ou d’un contrat préliminaire mentionné à l’article L. 261-15 du code de la construction et de l’habitation ».

Conséquence ? Le Conseil d’Etat a rendu une décision notable le 10 juin 2015 : il a jugé qu’une habitation située à 700 mètres d’une construction industrielle ne suffisait pas à confirmer un intérêt à agir. Quand bien même cette construction était visible depuis l’habitation et créait des nuisances sonores.

Le Conseil d’état a mis en exergue que le contestataire devait « préciser l’atteinte qu’il invoque, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien».

Attention, un permis de construire ne peut pas être contesté à la légère !

Exemple 1 : le cas « Marseille »

Le 10 février 2016, le Conseil d’Etat a confirmé que la qualité de voisin immédiat ne suffit pas à déterminer un intérêt à agir.

Deux propriétaires de maisons individuelles de Marseille avaient demandé l’annulation, pour excès de pouvoir, de l’arrêté du 2​​​​1 février 2014 par lequel le maire de cette ville des Bouches-du-Rhône avait accordé à une société de promotion immobilière le permis de construire d’un immeuble de deux étages devant comporter dix-huit logements.
Lotissement en construction

Pour justifier de leur intérêt à agir, les contestataires avaient fait valoir leur qualité de « propriétaires de biens immobiliers voisins directs à la parcelle destinée à recevoir les constructions litigieuses ». De plus, les pièces qu'ils avaient fournies à l'appui de leur demande justifiaient seulement que leurs parcelles étaient mitoyenne pour l'une et en co-visibilité pour l'autre du projet litigieux. Aussi, le plan de situation des parcelles qu'ils avaient produit ne comportait que la mention : « façade sud fortement vitrée qui créera des vues ». Ils n’ont pas pu apporter au greffe du tribunal administratif les précisions nécessaires à l'appréciation de l'atteinte directe portée par le projet litigieux à leurs conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de leur bien.

Conclusion ? Le tribunal administratif de Marseille a jugé que les contestataires étaient dépourvus d'intérêt à agir contre le permis de construire litigieux et a rejeté leur demande comme irrecevable et ce en vertu du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative

Encore n’est-ce pas tout ! Au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, les deux couples qui avaient procédé à un recours abusif ont dû verser la somme de 3 000 euros à la société de promotion immobilière.


Exemple 2 : le cas « Lyon »

Dans cette affaire de contestation de permis de construire, des riverains avaient déposé un recours contre un projet de logements collectifs. Or, selon les juges, leur dossier était dépourvu de preuves et d’un réel intérêt à agir. En plus du fait qu’aucun argument juridique n’était sérieux dans leur contestation, ils se sont livrés à des manœuvres procédurières destinées à gagner du temps. Le tribunal administratif de Lyon les a condamnés à payer 82 700 € pour un recours abusif contre le permis de construire incriminé.


C’est la première condamnation sur le fondement de l’article L 600-7 du code de l’urbanisme, institué par l’ordonnance du 18 juillet 2013, qui sanctionne les recours contre les permis de construire fantaisistes ou destinés à gagner du temps.

Avant ce texte, le juge pouvait condamner le contestataire abusif à une amende maximale de
3 000 €. Aujourd’hui, la somme n’est plus plafonnée et le requérant peut aussi être condamné à payer des indemnités au bénéficiaire du permis attaqué. L’importance des dommages et intérêts réclamés dans cette affaire se justifie notamment par le montant des pertes de revenus locatifs subies par les constructeurs.

Bon à savoir

Pour obtenir des dommages et intérêts, il faut établir que le recours ait été mis en œuvre dans des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant et qu’il cause un préjudice excessif au bénéficiaire du permis.

Quoi de nouveau depuis l’ordonnance Duflot de 2013 ?

Parmi les mesures proposées par le projet de loi Logement baptisé ELAN(Evolution du logement et aménagement numérique), l’une d’elles est très attendue par les acteurs du secteur de la construction. Elle comporte aussi un intérêt pour les particuliers : il s’agit de l’encadrement des recours contre les permis de construire qui devront être jugés en 10 mois par les tribunaux administratifs contre 24 mois aujourd’hui (en moyenne). Le but est de traiter les contentieux des autorisations d’urbanisme plus rapidement et plus efficacement.

La loi ELAN permettra également d’accélérer le traitement des contentieux. Le projet de loi préconise aussi d’interdire à un contestataire, au-delà d’un certain délai, de demander au juge de suspendre l’autorisation du permis de construire. La raison ? Pour retarder le début d’un projet de construction, certains contestataires attendent volontairement que la construction ait commencé pour demander la suspension des travaux.

La future loi ELAN pourrait également fixer un délai pour que l’auteur du recours soumette aux juges de nouveaux arguments, afin d’accélérer le traitement des contentieux. Autre mesure phare : faciliter l’action en dommages et intérêts contre les auteurs de recours abusifs afin de permettre des condamnations pécuniaires aujourd’hui très rares.

On comprend que l’objectif que s’est fixé le gouvernement à travers cette loi ELAN est bien de « Construire plus et mieux » !

Vous souhaitez contester un permis de construire? 4 étapes à suivre

Construire plus et mieux ne signifie pas construire envers et contre tout ! Certains projets rendent la contestation légitime. En effet, si vous êtes dans le cas où l’agrandissement de la maison de votre voisin vous coupe totalement du soleil, vous êtes en droit de contester. Mais comme vous venez de le remarquer, mieux vaut ne pas faire les choses à la légère !

Bon à savoir

Si vous estimez que le futur projet de votre voisin ou d’un promoteur vous cause du tort, vous avez deux solutions :

  • le tribunal de grande instance, si vous craignez un trouble de jouissance (perte d’ensoleillement, par exemple) ;
  • le tribunal administratif, si vous considérez que le projet enfreint les règles d’urbanisme, et n’aurait donc pas dû être accordé.

Première étape : la préparation de votre dossier

En mairie, demandez le dossier de demande du permis de construire que vous souhaitez contester et consultez les règles d’urbanisme qui correspondent à la zone concernée, à savoir notamment le plan local d’urbanisme (PLU). Si cette première étape vous semble corroborer votre idée d’un permis de construire litigieux, expliquez aux services de la mairie, sur papier libre, pourquoi vous contestez le permis sur la forme (procédure non respectée, pièces manquantes, etc.) et/ou sur le fond (non-respect des règles d’urbanisme, par exemple).

Code de l'urbanisme

Deuxième étape : le dépôt d’un recours gracieux

Par lettre recommandée avec avis de réception, envoyez votre dossier au maire qui a autorisé le permis de construire. Ceci doit être fait au plus tard dans un délai de deux mois à dater du premier jour d’affichage du panneau sur le terrain. En plus de votre dossier au maire, vous devez adresser une copie complète de l’ensemble au titulaire du permis, par lettre recommandée avec accusé de réception. Cet envoi doit être effectué au plus tard dans les quinze jours suivant le dépôt du recours en mairie. Le maire dispose de deux mois pour prononcer un retrait du permis. Si vous n’obtenez pas de réponse, cela signifie que votre demande est rejetée. Le recours gracieux, suspend la période de 2 mois de “purge” des recours.

Troisième étape : la saisie du tribunal administratif

Si vous demandez l’annulation du permis de construire, joignez un argumentaire détaillant les préjudices occasionnés par la future construction de votre voisin. Déposez toutes les pièces en quatre exemplaires au greffe du tribunal administratif, au plus tard dans les deux mois suivant la date d’affichage sur le terrain. Une copie intégrale de votre contestation doit également être envoyée au bénéficiaire du permis de construire et au maire qui l’a délivré. En général, pour ce type de procédure, il est fortement conseillé de faire appel aux conseils d’un avocat spécialisé en droit public.

Quatrième étape : un dépôt de référé

Il faut savoir que les précédents recours ne suspendent pas l’exécution du permis. En cas d’urgence, et sous réserve que vous ayez saisi le tribunal administratif, vous pouvez tenter de faire stopper les travaux par un référé en vous appuyant sur l'article L. 521-1 du Code de justice administrative. Transmettez au greffe une demande de suspension précisant vos doutes sur la légalité du permis, justifiez d’une urgence et joignez une copie du recours principal. Cette procédure ne fonctionne que si la construction n’est pas déjà hors d’eau et d’air.

Bon à savoir

L’ultime voie de recours est le Conseil d’État. Or, bien souvent, son coût prive le demandeur de la possibilité d’obtenir un second avis…

Pour éviter les contestations, affichez votre permis de construire !

Pour éviter toute contestation, le mieux est bien entendu de réaliser un projet de construction qui respecte fidèlement toutes les règles d’urbanisme ! Cela dit, si vous ne faites pas appel à un architecte pour faire établir votre demande de construire, il est possible que certaines irrégularités demeurent… que même le maire ne pourrait pas voir : c’est bien pourquoi le recours des tiers existent !

Construire

Parallèlement, même si votre projet est en parfaite adéquation avec les règles de l’urbanisme, un voisin mécontent peut tout de même contester. Et un recours - légitime ou non - c’est du temps perdu et des soucis.

Avant de démarrer votre construction, mieux vaut alors attendre la fin des 2 mois de délai de recours des tiers… et d’avoir parfaitement respecté les obligations d’affichage du permis de construire pendant ces 2 mois. Il faut aussi être en mesure de prouver cet affichage de façon continue.

Une question sur le bon affichage de votre permis de construire ? Nous répondons ici à toutes vos questions 🙂

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